Stromboli

Stromboli, terra di Dio

Roberto Rossellini, Italie, Etats-Unis, 1949, Les Films Sans Frontières

Commentaire

Karen (jouée par Ingrid Bergman) a suivi sur l’île de Stromboli un homme qu’elle connaissait à peine. Rapidement désillusionnée, perdue dans un univers rude et hostile, elle se sent prise au piège. Enceinte, elle décide traverser l’île pour fuir et avorter. Au début de la séquence, Karen traverse le volcan Stomboli : Rosselini nous fait partager la souffrance de son héroine prise dans un combat inégal avec la nature : elle suffoque, tousse, la fumée et le soufre envahissent l’écran. Le personnage, aux prises avec les éléments souffre, tout comme la comédienne qui effectue effectivement cette ascension. Une musique d’une grande intensité dramatique accompagne les plans qui se succèdent et étirent le temps, mêlée au vent qui rugit et aux suffocations de la protagoniste. Elle semble à plusieurs reprises au bord d’abandonner, tant l’ascension se poursuit sans jamais dévoiler aucun horizon, à l’image de la vie étriquée et sans but qu’elle a trouvée en rejoignant l’île. Le visage désespéré de l’héroine envahit l’écran quand, enfin parvenue au sommet, terrorisée, elle fait face au cratère déchaîné qui éructe, projetant vers le ciel immense de la lave et des pierres, et ressemble à l’antichambre de l’enfer. Elle capitule alors et s’effondre sur le sol, vaincue, résolue à renoncer à la vie. Au petit matin elle s’éveille et un miracle semble se produire : étendue sur le sol, elle s’abandonne à des sensations qui l’apaisent : les rayons du soleil qui réchauffent sa peau, la lumière qui remplace les ténèbres des nuages de cendres. Elle a alors une révélation. Elle se relève, la main sur son ventre qui abrite l’enfant qu’elle porte et semble alors embrasser son destin, affirmant sa présence au monde face à la montagne dont la généalogie violente laisse place à la possibilité d’un refuge: Rosselini filme les pentes douces du Volcan, les fumées blanches rasantes qui s’en échappent, le ciel immobile, tandis que la musique s’apaise elle aussi. Karen est traversée par des sensations pures, qui la transforment littéralement et la révèlent à elle -même, comme si toutes les déceptions et épreuves traversées, dont la dernière, dangereuse et éreintante, trouvaient une résolution face à ce paysage sauvage et vivant. Sa silhouette se dresse alors jusqu’au bord supérieur de l’écran, face au monde dans lequel elle trouve sa mesure et sa place. Le destin de Karen fait aussi singulièrement écho de manière symétrique à celui de la comédienne, Ingrid Bergman, qui venait de rencontrer Rossellini, marié et père ,et dont l’histoire d’amour défrayait la chronique en un véritable déchaînement au moment d’un tournage particulièrement rude, sur les pentes sauvages du volcan Stromboli.