Mes petites amoureuses

Jean Eustache, France, 1974, Tamasa Distribution

Commentaire

La séquence s’ouvre sur l’observation par Daniel, puis par son patron et l’ami de celui-ci, d’une femme d’origine espagnole qui passe souvent dans la rue avec sa poussette. C’est déjà un désir par substitution, qui semble être la clé du rapport du personnage de Daniel aux filles : les regarder de loin, sans vrai désir de les toucher, les désirer à distance par rapport à une image dans laquelle elles sont prises : l’écran du cinéma ou la fenêtre de la boutique et l’encadrement de la voûte de l’autre côté de la ruelle.

Ces passages de la belle Espagnole sont filmés de jour, et le seul plan où la caméra sort de la boutique pour la filmer depuis la rue, sur un banc, relève d’un fantasme imaginaire d’origine cinématographique, rendu sensible par une fermeture à l’iris qui ne doit rien au réalisme de ce qui va suivre.

Par la suite, dans cette séquence, s’enchaînent trois situations avec les deux mêmes personnages principaux et dans le même site : la boutique de cycle où travaille Daniel, d’où il voit une petite rue et le porche d’en face. Le seul point de vue est celui de Daniel.

1. Derrière la vitre de la boutique, il regarde deux soirs de suite la fille qui embrasse les garçons sous la voûte la nuit (baiser à distance et par procuration). Pour le moment il est un voyeur caché et pense ne pas avoir été vu.

2. Le lendemain, la fille entre dans la boutique pour lui acheter un produit, et s’approche anormalement de lui au moment de payer en le regardant dans les yeux de façon insistante. Il esquive le rapprochement, et peut-être le baiser qu’elle espérait. Elle est entrée dans son espace de voyeur où il se croyait invisible et caché , et l’a provoqué. Ce qui va changer son statut dans la scène suivante.

3. Même situation que la première, mais renversée : c’est lui qu’elle regarde fixement en embrassant le garçon (baiser par substitution de sa part à elle).