Le Songe de la lumière

El sol del membrillo

Victor Erice, Espagne, 1992

Commentaire

Ce film de Victor Erice est un long-métrage documentaire sur un grand peintre espagnol contemporain qui a entrepris de peindre pendant plusieurs saisons un petit arbre à coings de son jardin. Vers la fin du film, Erice nous raconte et met en scène un rêve de ce peintre. La tonalité du film change du tout au tout et le cinéaste va se servir de la couleur bleue nuit pour nous embarquer dans ce rêve. Ce bleu sombre et métallique est la couleur convenue au cinéma pour donner l’illusion d’une lumière qui pénètre de nuit dans une pièce non éclairée (voir Eyes Wide Shut). Le visage du peintre immobile endormi sur son lit et éclairé par cette couleur bleue homogène prend des allures un peu inquiétantes et nous prépare à entrer dans l’univers de son rêve filmé par Erice. Le rêve est un travail sur la lumière et la couleur. Ces coings qui obsèdent le peintre ne sont plus des fruits ordinaires et naturels. Le cinéaste les rend inquiétants en gardant la dominante bleue du rêve mais en introduisant dans l’image du vert, du jaune et du marron pour « raconter » leur décomposition. Ils sont cernés de nuit dans l’image et prennent des allures quelque peu fantastiques pour donner l’impression décrite dans le récit de son rêve par le peintre d’ « une lumière limpide et sombre à la fois, qui transforme tout en métal et en cendres. Ce n’est pas la lumière de la nuit, dit-il, ni celle du crépuscule, ni celle de l’aurore ». Victor Erice nous montre pendant ce texte la véritable nature de cette lumière en filmant une caméra en ombre portée sur le mur : c’est la lumière non naturelle des projecteurs de cinéma.

Dans un des plans sur un coing au sol, Erice change les éclairages et les couleurs en cours de plan, donnant l’impression que le temps passe de façon très rapide et que nous assistons en direct et en accéléré au pourrissement du fruit.

Mot-clés

clair-obscur.