Le Rebelle

The Fountainhead

King Vidor, Etats-Unis, 1948, Swashbuckler Films

Commentaire

La rencontre amoureuse est précédée de plans où l’homme et la femme sont séparés, socialement et topographiquement. La scène se distribue entre deux décors : le grand appartement de style « hollywoodien » où la femme évolue dans le luxe, en vêtements somptueux et le chantier de la monumentale carrière de pierre où l’homme (un architecte d’avant-garde qui a refusé toute compromission dans ses créations) a choisi de gagner sa vie comme simple ouvrier anonyme. Ce qu’elle ignore. Le savoir sur leur situation réciproque est donc inégal, entre l’homme et la femme. Ces deux décors apparemment si différents sont proches dans l’espace réel, car la femme est réveillée dans son lit par les explosions de la carrière.

Alors qu’elle vient à deux reprises sur le chantier, elle éprouve une attirance physique pour celui qu’elle croit être un ouvrier. La première rencontre se fait à distance : elle surplombant le chantier sur fond de ciel et lui en contrebas, occupé à percer la roche avec son marteau-piqueur. La structure visuelle des plans est construite sur la distance entre elle et lui et sur la différence de niveau spatial et social. La femme écrase du regard les hommes qui travaillent sur le chantier, dont celui dont elle est tombée sexuellement amoureuse au premier regard. Les plans sont rigoureusement construits en arêtes vives, entre le noir et le blanc, souvent divisés en deux par la diagonale du cadre qui les sépare, elle en haut dans la lumière et la blancheur, lui en contrebas dans une lumière plus sombre et plus grise. Leurs échanges de regard ne laissent pas de doute sur ce coup de foudre à distance.

Un contremaître va servir de vecteur pour réduire l’intervalle entre eux. Ils vont se retrouver au même niveau, mais sans entrer en contact direct et sans se parler.

De retour chez elle, devant sa table de toilette, elle va réduire imaginairement l’intervalle par des surimpressions mentales.

Le lendemain, alors qu’elle retourne sur le chantier, le cadre les isole, elle en haut lui en bas dans l’image, pour filmer un dialogue piquant où il lui tient tête sans aucun complexe d’infériorité sociale, en lui laissant entendre qu’il a tout à fait compris son manège amoureux.