La petite vendeuse de soleil

Djibril Mambety Diop, Sénégal, 1998

Commentaire

La scène débute par un très lent travelling latéral, en plan très large : le réalisateur pose délibérément un cadre, cinématographique, mais aussi géographique : il inscrit sa fiction au coeur d’une grande métropole d’Afrique, dont il nous dévoile la réalité en la filmant à rebours de l’exotisme. Nous sommes ici à la périphérie d’une ville à l’architecture complexe, qui mêle bâtiments modernes, usines, cahutes en matériau de récupération, ville grouillante, aux accès engorgés (immense parking bondé). Un brusque changement d’échelle de plan nous rapproche des personnages dont on entendait les voix : un groupe d’enfants qui vend à la criée des journaux aux automobilistes. Les fréquents changements d’axes et le choix de la longue focale permettent de saisir au vol des images du quotidien des habitants de Dakar. Ils mettent aussi en évidence le réel danger auquel s’exposent les petits vendeurs de journaux. Ceux-ci semblent filmés à leur insu. On identifie la jeune héroïne du film (la fillette aux béquilles) mêlée à eux, quand on a vu le début du film, sinon, dans l’extrait, elle se fond dans le groupe, c’est indécidable. Les enfants sont massés autour de la glissière de l’autoroute, et masqués à notre regard par l’incessant passage des voitures lancées à toute vitesse, qui obstruent parfois le champ au premier plan, donnant le sentiment de leur fragilité et de la menace constante qui plane sur eux. Au travers de ces plans très vivants et animés, le réalisateur témoigne de la précarité de la vie au sein d’une grande ville anonyme, dans laquelle chacun, y compris les enfants, cherche à assurer son quotidien par la débrouille.