La femme au corbeau

The River

Frank Borzage, Etats-Unis, 1929

Commentaire

Dans cet extrait le froid n’est pas qu’une question sensorielle, liée à une météo d’apocalypse, c’est aussi un argument scénaristique.
Dans un paysage déformé par le blizzard, un homme porte un corps sur son dos Il se dirige péniblement une cabane, en profondeur de champ. A l’intérieur, une femme dort, enveloppée dans un manteau de fourrure. Il dépose un jeune homme inanimé, la violence des bourrasques pousse jusqu’à l’intérieur une nuée de flocons qui voltigent bord cadre, soulignant la précarité de la situation à laquelle sont soumis les personnages : la cabane est le seul refuge dans cet univers hostile où la résistance au froid une lutte acharnée, et avant tout une question de survie. D’abord pétrifiée, la femme se joint à ses efforts désespérés pour le ranimer. Alors que dehors la tempête se déchaîne, ils se précipitent au cœur du danger pour ramasser des poignées de neige destinées à rendre le malheureux à la vie, et s’épuisent dans une frénésie de gestes et d’actions qui semblent sans effet. Alors que l’homme, découragé est au bord d’abandonner, la caméra se recentre sur la femme qui déploie toutes ses forces pour l’inciter à continuer. Ce jeune homme inconscient n’est autre que celui qu’elle a repoussé quelques heures auparavant. Fou d’amour et désespéré devant son refus inflexible il s’était jeté torse nu en pleine tempête. La crainte de l’avoir définitivement perdu, la vision du corps inerte couvert de glace du jeune homme réveillent la passion qu’elle avait refoulée, et déclenche son aveu. Tandis qu’à travers la fenêtre, on voit la tempête qui fait rage c’est au contact de sa peau que le jeune homme revient à la vie, dans une scène d’une rare sensualité pour l’époque, préparée cependant en amont avec les plans des massages vigoureux sur le torse dénudé du garçon. Après une courte hésitation, La jeune femme se déshabille, et se glisse contre son bien aimé qu’elle tente de ranimer par ses caresses. La scène de sauvetage, classique du cinéma catastrophe, se transforme en scène d’amour d’une grande puissance érotique, dans laquelle les genres sont bousculés, transformant un jeune homme vigoureux en une Blanche -neige inattendue.