Gosses de Tokyo

Umarete wa mita keredo

Yasujiro Ozu, Japon, 1932, Carlotta Films

Commentaire

Dans cette scène, le patron d’une grande entreprise a invité un de ses employés, avec sa femme et ses enfants, à une soirée mondaine chez lui. Après le repas, il fait projeter un film amateur devant tous ses invités. Au début de la projection les enfants sont fiers de leur père en train de faire la gymnastique collective sur la terrasse de l’entreprise. Mais peu à peu la honte va s’installer quand ils voient leur père faire servilement des grimaces ridicules et avilissantes qui font rire le patron et tous les invités. Ce sentiment de honte les amène à quitter la salle, puis quitter la maison et rentrer à pieds chez eux dans la nuit. La scène, qui pourrait être seulement amusante, est symboliquement très grave car elle dégrade l’image que les deux frères ont de leur père. Ils vivent la situation comme une humiliation sociale par le patron de leur père et de sa part, une marque de servilité et de bêtise.

Seuls sur le chemin du retour, les enfants expriment leur changement d’opinion sur leur père. Ils manifestent leur révolte contre l’ordre social — que le père était censé incarner et faire respecter — à travers une petite transgression vestimentaire, initiée par l’aîné et imitée par le plus jeune.

Cette nouvelle situation d’alliance contre le père sanctionne la perte de son prestige social et de son autorité symbolique.