Le Petit Fugitif

Little Fugitive

Morris Engel, Ray Ashley et Roth Orkin, USA, 1953

Commentaire

Un des moyens utilisés par certains réalisateurs pour capturer quelque chose du réel, sans filtre ni tricherie possible, est de filmer un corps qui fait vraiment quelque chose. Ici le petit garçon joue au base-ball, face à une machine qui lui renvoie des balles et lui impose son rythme : Joey, tout absorbé qu’il est par le jeu, en oublie qu’il joue un rôle. La caméra, très basse, à sa hauteur, filme en quelques plans fixes la performance physique du petit acteur : la batte semble bien trop lourde pour lui, contraignant son corps à se contorsionner, il chute, se relève, se fait mal… Elle fait elle-même partie du dispositif qui comporte sa part d’imprévu (les balles arrivent de manière totalement aléatoire) : recevant une balle, la caméra bouge légèrement, mais le cadreur semble impassible et la prise ne s’arrête pas pour autant, capturant à la fois l’effort physique du garçon et ses effets sur son corps : essoufflement, sueur… tout cela arrive en réalité, tandis que la caméra ne fait que l’enregistrer, même si les cadrages sont soigneusement choisis pour que l’on puisse l’observer (alternance de plans larges qui montrent la « cage » dans lequel il est et les spectateurs en profondeur de champ, et de plans plus rapprochés). La musique ajoutée au montage - un morceau d’harmonica qui semble improvisé - accompagne les hésitations du petit garçon, liées à l’imprévisibilité de la scène. Ici l’acteur disparaît derrière l’enfant qui joue « pour de vrai ».