La comédie de Dieu

A Comedia de Deus

João César Monteiro, Portugal, France, 1995

Commentaire

Dans cet extrait, nul argument narratif, aucun enjeu scénaristique : une séquence de pure ode à la sensualité, dans lequel le toucher a une place centrale mais non exclusive. Des mains d’hommes ouvrent les ventaux d’une table- miroir recouverte de billes bleu saphir, et c’est l’écran qui s’ouvre alors doucement. Le visage d’une femme apparaît, comme serti dans les billes de verre. Tandis qu’elle approche doucement ses mains pour les faire rouler, une musique d’opéra s’élève, comme pour une mystérieuse cérémonie. D’autres mains apparaissent mystérieusement dont on ne sait à qui elles appartiennent. Au gré du manège des mains qui soupèsent, écartent, caressent les billes de verre, le visage apparaît ou disparaît, et l’image, sa texture ne cessent de changer, dans un jeu subtil entre net et flou métamorphosant les billes en paillettes. Par-dessus la musique, Le tintement des billes accompagne ce qui ressemble à un pur moment de jouissance tactile, visuel et auditif. Puis la séquence bascule : les billes et le visage disparaissent, on apporte une coupe bleue, emplie de crème glacée. La musique s’interrompt, tandis que la jeune femme la saisit à pleine mains, et se met à déguster la glace, en temps réel, face caméra. Le réalisateur, exploitant les ressources liées à son choix de cadrage rigoureux, prend un plaisir visible à jouer sur les possibilités qu’offre le hors-champ visuel et sonore. Toute l’attention du spectateur s’absorbe alors dans la contemplation de ce spectacle qui convoque tous ses sens : le crépitement du feu, le ti- tac distinct de la pendule hors champ, le bruit de la cuiller qui tinte contre le bol résonnent à ses oreilles. Ils suffisent alors pour que son imagination prennent le relais . On peut alors presque ressentir, en même temps que le personnage, la texture crémeuse et froide du sorbet qui fond contre le palais et contraste avec la chaleur du feu de cheminée qui réchauffe sa joue.