Conte d'été

Eric Rohmer, France, 1996

Commentaire

Margot a proposé à Gaspard, qu’elle vient de rencontrer, de l’accompagner chez un marin qu’elle doit interviewer, dans le cadre de ses études d’ethnologie. Au milieu de cette séquence, dont l’enjeu fictionnel pourrait être un éventuel rapprochement amoureux, Rohmer insère un documentaire d’ethnographie musicale. Il abandonne momentanément ses personnages à leurs doutes, stratégies et atermoiements, pour les confronter à un véritable ancien marin Terre neuvas. Même si c’est bien Margot, son personnage, qui mène l’interview, on perçoit que ce qui lui importe ici, c’est de faire le portrait de cet homme, qu’il filme de manière frontale, en plan fixe, avec un léger zoom arrière, sans fioriture, pour porter la plus  grande attention possible  à ce récit d’une époque révolue. L’homme décrit avec une grande précision, dans le choix des mots, très techniques, son métier de pêcheur, avant d’entonner un vieux chant marin. Toute la scène est prise en son direct, la prise ne s’interrompt pas quand il bute et se trompe. A la fin de la séquence, le spectateur est rendu à la fiction, par le 2e et ultime  contrechamp sur les 2 personnages principaux, eux-mêmes spectateurs attentifs, assis à l’autre bout de la table, serrés l’un contre l’autre. On retrouve ici le souci de Rohmer d’inscrire les personnages de ses films dans le réel, qu’il soit lié au lieu du tournage,  comme dans la scène de la plage (voir «le personnage dans le monde») ou aux habitants, à leur quotidien et à leur histoire.